Les infections urinaires à répétition chez la femme : il faut en parler !
- Lauriane Strauss
- 7 août
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 août
Elles brûlent et font courir aux toilettes en urgence pour quelques gouttes... Les infections urinaires touchent une majorité de femmes au cours de leur vie. Pour certaines, c'est malheureusement un combat répété ; parlons des cystites récidivantes, entourées de bien des questions.
Une infection urinaire (cystite) : qu'est-ce que c'est ?
Il s'agit d'une infection bactérienne qui concerne le système urinaire (la vessie et/ou l'urètre).
Elle peut causer les symptôme suivants :
Besoin fréquent/urgent d'uriner
Brûlures à la miction
Douleurs pelviennes / au niveau du dos, dans certains cas
Il est possible de retrouver du sang dans les urines ou analyses, lié aux lésions de l'épithélium urinaire (fine couche qui tapisse l'intérieur de la vessie et des voies urinaires)
Cette infection se diagnostique par analyse d'urine, ou par un ECBU (analyse plus approfondie). Le traitement consiste en la prise d'antibiotique.
Les infections urinaires (cystites) récidivantes, c'est quoi ?
Elles sont caractérisées de récidivantes à partir de quatre épisodes par an. On parle parfois déjà de récidives lorsqu'il y a au moins deux épisodes sur une période de 6 mois.
Elles peuvent être le début d'une longue errance médicale... car on ne comprend pas pourquoi elles récidivent, ni ce qu'on peut y faire. Certaines ressources proposent de voir le premier épisode d'infection urinaire et les infections récidivantes comme deux choses bien distinctes, avec des solutions différentes.

Pourquoi ça récidive : quelques hypothèses
La bactérie la plus souvent mise en cause dans les infections urinaires est Escherichia Coli (65-80% des cas), même s'il y en a d'autres, c'est celle qui va nous intéresser principalement.
Plusieurs facteurs pourraient expliquer ces récidives, et alors le chemin à emprunter pour les arrêter.
Les facteurs comportementaux
Des habitudes inadaptées au niveau de l'hygiène intime et du mode de vie peuvent favoriser les récidives. Je vous en parle un peu plus à la fin de l'article. Pour une action de fond, il peut être recommandé de se référer à un.e naturopathe, afin de modifier certaines habitudes de vie.
Si ces facteurs ne sont pas en jeux pour vous, abordons quelques autres pistes.
Les facteurs bactériens
1) Bactéries résistantes ; les antibiotiques classiques ne les éliminent alors plus entièrement.
2) Infiltration des bactéries dans les couches superficielles de la paroi de la vessie (épithélium urinaire) - notamment E.Coli grâce à son anatomie (elle dispose de filaments qui lui permettent de s'infiltrer dans cette couche).
3) Infiltration des bactéries dans les cellules de la paroi de la vessie, où elles peuvent former des communautés intracellulaires.
4) Formation d'un biofilm par les bactéries. Grosso modo, les bactéries se collent à la paroi de la vessie (ou à un corps étranger comme un stérilet) et s'entourent d'une protection (le biofilm).
Ces quatre pistes nous permettent de comprendre qu'il y a tout un monde qu'on connaît mal au sujet des bactéries, et qui pourrait expliquer leur résistance aux traitements, ainsi que les rechutes. Les bactéries se cachent et se protègent, puis reviennent ensuite. C'est-à-dire qu'une même souche persiste et favorise les risques de récidives.
Le facteur relatif aux défenses
Une baisse des défenses chez la personne concernée peut être une piste, par exemple :
1) Une difficulté du corps à reconnaître ces bactéries, ne déclenchant alors pas une défense suffisante.
Il est important d'y penser en cas de maladie chronique et notamment en cas de traitement immunodépresseur.
2) Un épithélium urinaire affaibli, plus fin, enflammé, endommagé par la première infection, perturbé par un déséquilibre hormonal... (la barrière n'est alors plus aussi protectrice)
Focus sur le dérèglement hormonal
Comme évoqué ci-dessus, un déséquilibre hormonal - et particulièrement un déficit en œstrogènes - (notamment au moment de la pré-ménopause, puis ménopause) peut favoriser les récidives, pour plusieurs raisons :
1) Amincissement des parois (épithélium de la vessie, de l'urètre et du vagin), rendant le corps plus vulnérable - comme évoqué -
2) Modifications au niveau de la flore vaginale : diminution des lactobacilles (protectrices), et risque plus élevé de colonisation par les mauvaises bactéries (comme E.Coli).
3) Modification du pH vaginal qui tire plus vers le neutre, alors que le vagin est à tendance plutôt acide - jouant un rôle protecteur.
Nous comprenons alors que l'équilibre du milieu vaginal joue aussi une grande action dans ces récidives, pouvant être un facteur de risque.
Dysfonction ou anomalie des voies urinaires & Co
En cas de récidive, il est important de s'assurer qu'il n'y ait pas d'anomalie qui y participe, par exemple :
Un calcul
Une obstruction
Un reflux vésico-urétéral
Un prolapsus (descente d'organe)
Une cloison vaginale
Une bride vaginale
Autres malformations urétro-vaginales
Il est aussi important de déceler des dysfonctions, comme :
Une vidange incomplète, entraînant un résidu d'urine
Un flux urinaire réduit
Des poussées abdominales lors de la miction
On constate alors l'importance de nos habitudes lors du passage aux toilettes. Si elles sont inadaptées elles peuvent perturber le fonctionnement du système urinaire et créer un terrain favorable à la prolifération des bactéries. Cela peut aussi être des signes de pathologies sous-jacentes, comme celles citées ci-dessus.
Plus globalement, il est aussi conseillé d'exclure des facteurs plus généraux qui pourraient participer à ces récidives, comme la présence d'un diabète.
On fait quoi en cas d'infections urinaires à répétition ?
Confirmer la piste par des analyses, et notamment un ECBU permettant d'identifier la bactérie en cause afin de mieux la cibler. Éviter l'auto-médication.
Consulter un.e urologue pour un bilan
Modifier ses habitudes (voire ci-dessous)
Tester les pistes non-antibiotiques et de renforcement de la flore (probiotiques, jus de cranberry, ...). Beaucoup évoquent le D-MANNOSE qui les aideraient également.
Traitements antibiotiques de plus longue durée si nécessaire - à discuter avec un médecin.
Comme vous l'aurez peut-être compris, les solutions adaptées pour vous dépendront alors des facteurs qui contribuent à vos cystites à répétition. Une intervention médicale en cas de facteur anatomique, un complément en œstrogènes en cas de déficit (sous forme de crème de manière préférentielle dans ce cas), modification d'habitudes inadaptées, soutien du système immunitaire, renforcement de la flore vaginale...
On en parle peu, mais cela vaut la peine d'être évoqué : il existe un vaccin oral afin de prévenir les récidives. L'idée est de stimuler le système immunitaire à se défendre contre ces bactéries. On peut alors imaginer la piste prometteuse si les rechutes sont liées à des défenses affaiblies. Comme toujours, discutez-en avec un médecin.

Mes conseils en tant que sexologue
1) Vous êtes la personne la mieux placée pour savoir que quelque chose ne va pas. Si vous n'obtenez pas de réponse satisfaisante, n'hésitez pas à recueillir plusieurs avis.
2) Si vous suivez des traitements antibiotiques, n'oubliez pas de chouchouter et renforcer votre flore en parallèle, car les antibiotiques peuvent la déstabiliser, et ensuite c'est le cercle vicieux assuré ! La flore est fragilisée, alors plus vulnérable aux agressions - qui peuvent se propager ensuite à l'urètre et la vessie. Vous pouvez par exemple prendre des probiotiques.
Certaines sources recommandent également de porter attention à l'épithélium qui peut être lésé par ces infections, afin d'assurer une "guérison" complète. Vous pouvez en discuter avec un médecin.
3) Parcourez la check-list suivante pour vous assurer que vos habitudes sont adaptées
Hygiène intime :
Pas de toilette excessive, une fois par jour suffit.
Pas de douche vaginale (le vagin est auto-nettoyant - quel boss !).
Rinçage de la vulve à l'eau claire, ou avec un soin lavant adapté au pH de la zone (mais pas de savon agressif qui va perturber le pH acide).
Oubliez les déo intimes et les protèges slips quotidiens.
S'essuyer de l'avant vers l'arrière et pas le contraire, sinon on ramène les bactéries présentes au niveau anal vers le vagin.
Mode de vie
Ne vous retenez pas longtemps d'aller uriner si vous en ressentez le besoin.
Ne poussez pas avec le ventre pour uriner.
Buvez au moins 1,5L d'eau par jour afin d'améliorer l'élimination bactérienne.
Luttez contre la constipation & soignez votre alimentation pour une flore intestinale équilibrée.
Préférez les sous-vêtements en coton (les matières synthétiques sont moins respirantes et peuvent participer à la prolifération de bactéries).
Sexualité
Allez faire pipi après les rapports : valable pour tout le monde, mais la femme est plus à risque étant donné que l'urètre est plus court que chez l'homme (et les bactéries remontent alors plus vite).
Limitez les produits et lubrifiants avec une composition douteuse
Limitez les spermicides (qui peuvent perturber l'équilibre vaginal)
Déterminez si vos symptômes sont liés à l'arrivée d'un nouveau partenaire
4) Tenez un carnet en notant les moments de récidive et le contexte, vous pourrez peut-être dégager une tendance et trouver des réponses !
Et si ce n'était pas des infections bactériennes ?
Il peut arriver que tous les symptômes vous évoquent une infection urinaire, mais au moment de réaliser une analyse... Aucune bactérie ! L'une des pistes est le syndrome de la vessie douloureuse - ou cystite interstitielle. Il s'agit d'une inflammation chronique de la vessie, non infectieuse.
Une autre piste est la présence d'endométriose au niveau de la vessie, qui peut causer divers inconforts.
Et l'aspect psychologique dans tout ça ?
On dit de tout sur le lien entre le psychologique et les infections urinaires à répétition... Entre autres, on voit fleurir des propos simplistes sur les réseaux sociaux qui consistent à dire que tu souffres de cystites récidivantes parce que tu es avec le mauvais partenaire... Je te rassure, le coupable n'est pas forcément ton couple, et même dans l'hypothèse où c'est le cas, c'est loin d'être aussi simple !
Pourquoi "changer de mec" a pu fonctionner pour certaines personnes ? En réalité pour plein de raisons, à la fois potentiellement physiques et psychologiques. Toutefois, le raccourci reste très problématique...
L'aspect psychosomatique peut entrer en considération. C'est-à-dire qu'une source psychique va avoir une influence sur votre corps. Ce que vous ressentez est réel, mais déclenché par quelque chose de psychologique. J'ai pu le voir en accompagnement de sexologie dans des cas de violences sexuelles non conscientisées par exemple.
En outre, le lien entre corps et esprit a été avoué il y a longtemps. On sait que le stress chronique, les traumatismes ou encore l'anxiété peuvent influencer le fonctionnement immunitaire, digestif, hormonal.... et on peut alors comprendre le lien avec le système urinaire à la lumière de ce que nous avons discuté dans cet article.
Si vous pensez qu'un facteur psychologique peut participer à ces cystites récidivantes, n'hésitez pas à vous rapprocher d'un.e sexologue. Cela pourra aussi être bénéfique afin de travailler sur une éventuelle appréhension qui s'est mise en place (la peur que ça revienne), et une éventuelle hypervigilance pendant les rapports et/ou en dehors.
En résumé...
Les infections urinaires à répétition chez la femme : il faut en parler ! Entourées de beaucoup de méconnaissance et de questions, c'est encore une fois une souffrance répétée que l'on peine à prendre au sérieux. Pourtant, plusieurs hypothèses sont à parcourir, afin de déceler ce qui fonctionne pour vous.
Disclaimer
Cet article a été rédigé sur la base de recherches et de recueil de témoignages. Il n'est pas écrit par un professionnel de santé comme un.e urologue. Si vous avez une information à apporter ou rectifier concernant le sujet, je reste très volontiers à disposition... C'est un sujet qui mérite notre attention.
P.S : le terme "femme" a été employé dans cet article. Cela n'a pas pour objectif d'invisibiliser les personnes ayant une vulve mais ne se considérant pas comme tel.
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